|
Lorsque les mycotoxines sont présentes dans un lot, elles sont toujours à des teneurs très faibles. Ainsi, il est indispensable d'utiliser des méthodes de dosage extrêmement performantes. Ces méthodes peuvent donner des résultats quantitatifs (à quelle dose la mycotoxine X est-elle présente ?), des résultats qualitatifs (quelles sont les mycotoxines présentes dans ce lot ?) ou des résultats semi-quantitatifs (quelles sont les mycotoxines présentes et à quelle dose ?) Les premiers paramètres d'analyse des mycotoxines sont la nature chimique de la mycotoxine, son poids moléculaire et ses groupes fonctionnels. Tous ces facteurs déterminent la volatilité et la solubilité de la mycotoxine ce qui permet une approche analytique de la toxine. Ensuite, plusieurs méthodes sont possibles. Elles diffèrent essentiellement par leur spécificité, leur sensibilité et leur rapidité. On distingue deux catégories de méthodes de dosage : tests immuno-enzymatiques et les techniques de séparation chromatographiques. 1. Analyse par tests immuno-enzymatiques : Méthode ELISA (Test rapide (1) (7) (8)) :1.1. Principe :Le test immuno-enzymatique par compétition est basé sur la réaction immunologique entre un antigène et un anticorps. Il permet de doser les mycotoxines dans les grains. Voici les différentes étapes indispensables pour une quantification par la méthode ELISA (Enzyme Linked Immuno-adSorbent Assay) : - séparation de l'échantillon : broyage et homogénéisation - extraction de la molécule par un solvant approprié (souvent du méthanol). Cette étape est indispensable mais pénalisante en temps car elle nécessite souvent des dilutions pour ramener la concentration en solvant à des teneurs tolérables par les systèmes enzymatiques mis en jeu. - grâce aux anticorps, les toxines présentes seront fixées à une membrane. Comme les mycotoxines ne sont pas de nature protéique, elles devront être couplées à une protéine pour être antigéniques. - Ensuite, on ajoute un réactif se fixant sur les anticorps restants libres de la membrane. Après une étape de lavage permettant d'éliminer les molécules non fixées, on ajoute un dernier réactif : le substrat. En présence du conjugué, il est transformé en produit coloré.
La coloration signifie que la toxine recherchée dans l'échantillon est non détectée et inversement : l'absence de coloration signifie la détection. La quantification de la mycotoxine par la réaction anticorps-antigène se fait en fonction de la concentration en colorant. Pour une bonne quantification du dosage, les laboratoires d'analyse ont construit à partir de molécules pures des courbes d'étalonnage donnant la densité optique (couleur) en fonction de la concentration de la mycotoxine.
1.2. Avantages :Test rapide qui demande un délai de 3 à 24 heures pour doser les mycotoxines grâce à la préparation rapide des échantillons. La méthode ELISA est un bon compromis entre le coût, la vitesse et la sensibilité. Toutefois l'utilisation de cette technique est surtout limitée à des produits relativement homogènes, ce qui exclut des produits tels que la moulée ou le fromage, et ce, à cause des interférences présentent qui engendrent des limitations de la méthode. 1.3. Limites :P Un test ELISA ne dose qu'une mycotoxine à la fois donc ne permet pas d'évaluer une multicontamination. P Toutes les mycotoxines ne peuvent pas être détectées par un test ELISA. P Les tests ELISA sont relativement fiables en ce qui concerne la détection mais ils doivent être appliqués dans des mesures très précises : il faut être prudent quand on parle de résultats positifs et en matière de quantification. Une notion importante est celle de réaction croisée : les anticorps mis au point par les fabricants garantissent rarement une spécificité totale pour une mycotoxine donnée. Citons l'exemple de DON : à l'état naturel, elle coexiste avec ses métabolites (comme le 3 Acétyl DON et 15 Acétyl DON), molécules chimiquement très proches que les anticorps ne distinguent pas ! Ceci peut expliquer la surestimation dans un échantillon. P La méthode ELISA utilise des enzymes fragiles qui demandent des conditions de conservation rigoureuses, en particulier la température. P La limite de détection est variable selon la toxine recherchée : elle est de l'ordre du μg/kg pour les tests les plus sensibles. On utilise l'expression ppb. P Risque non négligeable d'avoir des résultats faux-positifs en test ELISA : il faut donc renforcer l'analyse par méthodes analytiques comme les méthodes séparatives chromatographiques.
2. Techniques de séparation chromatographique en HPLC ou GC : Test officiel (1) (7) (8) :2.1. Principe :Le chromatographe permet de séparer les différents constituants de l'échantillon analysé. L'étude chromatographique s'effectue en plusieurs étapes : - Broyage et homogénéisation de l'échantillon - Extraction des mycotoxines du substrat par un solvant organique approprié à la molécule - Purification et concentration de la solution par SPE (Solid Phase Extraction) ou par sélection de la toxine grâce à une colonne "d'immunoaffinité" dont la principale caractéristique est de contenir l'anticorps spécifique de la mycotoxine. - Séparation des molécules recherchées par chromatographie liquide ou gazeuse. - Détermination quantitative : on considère dans cette étape, deux cas : Si la mycotoxine n'a pas de spectre caractéristique dans l'ultraviolet et/ou n'est pas fluorescente, alors il faut effectuer une dérivation (procédé rendant une molécule détectable) pour la quantifier : - Chromatographie en phase Gazeuse (GC) est couplée à 3 types de détecteurs : Détecteur à capteur d'électrons (ECD) : cas des mycotoxines DON, DAS et Nivalénone Détecteur à ionisation de flamme (FID) Spectromètre de masse (MS) : permet une bonne analyse discriminatoire des toxines - ou Chromatographie Liquide à Haute Pression (HPLC) : Zéaralénone, Fumonisine B1, DON, Aflatoxines... Inversement, si la mycotoxine présente un spectre caractéristique dans l'UV ou est fluorescente dans certaines conditions de pH, de polarité..., la quantification peut s'effectuer directement en HPLC (Patuline et Citrinine, Aflatoxine M, Ochratoxine A). Le couplage d'une extraction adaptée, d'une purification par les anticorps de l'extrait, d'une séparation chromatographique, d'une dérivation ciblée ou une détection sélective permettent d'atteindre un niveau de spécificité optimal pour une quantification fiable. 2.2. Avantages :P Les méthodes chromatographiques permettent de détecter spécifiquement de faibles quantités de mycotoxines, et ce, sans trop de limitations sur le type d'échantillon. En effet, leurs champs d'application sont très larges, ce qui fait que l'on peut analyser n'importe quelle matrice, depuis les productions agricoles jusqu'aux produits finis, que ce soit dans l'alimentation humaine ou animale. P La chromatographie est très intéressante pour valider des résultats obtenus par d'autres méthodes. Elle est plus spécifique et les interférences sont moindres. Ils n'y a aucun risque de faux positifs (résultat positif alors que la molécule est absente) ni de faux négatifs (molécule présente mais non détectée) contrairement à la méthode ELISA. P Lors d'une analyse en GC par spectromètre de masse (MS), on peut détecter et quantifier jusqu'à neuf mycotoxines grâce à l'analyse dite "multitrichothécènes" (détection de plusieurs mycotoxines de la famille des trichothécènes comme la Déoxynivalénol ou DON). 2.3. Limites :Les coûts sont plus élevés car l'appareillage de haute technicité représente un investissement très coûteux. De plus, les manipulations demandent une maintenance qualifiée. La durée des analyses et le volume important de solvant nécessaire sont autant de facteurs contraignants qui entraînent un délai de une à deux semaines pour l'analyse de l'échantillon. 3. Comparaison méthode ELISA et techniques de séparation chromatographique (1) (7) (8) :- Une différence de prix non négligeable entre les deux méthodes : le faible coût de la méthode ELISA. En intégrant le prix des plaques, des réactifs, du détecteur, et de la main d'œuvre, le coût d'une analyse ELISA varie de 12 à 30 € selon que l'on souhaite une réponse du type présence-absence ou une réponse quantitative. A titre indicatif, une analyse par chromatographie varie entre 90 et 230 €. Cette différence est principalement due aux frais de main d'oeuvre plus élevé et au coût élevé du chromatographe, entre 15 000 et 150 000 €.
- Les méthodes immunoenzymatiques sont des méthodes alternatives aux méthodes conventionnelles. Pour être reconnues, elles doivent être validées par un organisme certificateur et si seulement certains points indispensables sont satisfaits. Ces points de qualité sont par exemple, la spécificité du test, l'exactitude de la valeur trouvée, la sensibilité du test, le seuil de détection, le seuil de quantification... - Les tests ELISA ont tendance à surestimer les résultats par rapport aux tests chromatographiques. La cause principale de cette surestimation est due au manque de spécificité du test immunoenzymatique, car il y a réactivité avec des produits apparentés ou non à la molécule dosée. Ce qu'il faut retenir :En premier lieu, on opte généralement pour la méthode ELISA, puis si besoin, on validera le résultat obtenu par la méthode chromatographique. Ainsi, les méthodes chromatographiques semblent s'imposer comme techniques de choix pour l'analyse quantitative de la majorité des mycotoxines mais non comme méthodes de détection dans un premier temps. Actuellement, dans le domaine des contrôles de la qualité sanitaire des matières premières ou des produits finis, les méthodes immunoenzymatiques sont largement utilisées pour repérer les lots suspects c'est-à-dire susceptibles de dépasser les limites maximales admissibles. Les résultats des échantillons "positifs" seront confirmés par des méthodes conventionnelles. Ce type d'analyse est coûteux en temps et financièrement aussi. Avec les exigences de plus en plus grandes des consommateurs et de la réglementation, les besoins en analyses rapides vont aller grandissant pour répondre aux cahiers des charges et à la nécessite de suivre la marchandise au cours du temps. Etant donné les besoins grandissant des analyses de terrain (contrôle en réception et en sortie de silo par exemple), des "kits de détection" fiables vont devoir se développer. Demain, la recherche mettra peut-être à notre service des outils performants et fiables dérivés des méthodes immunoenzymatiques. On parle déjà de "biocapteurs" qui auront l'avantage d'être portables, d'un usage simple et rapides. Selon Pierre Maupetit d'Arvalis (7), les principes des "biocapteurs" sont connus mais la mise au point et l'évaluation restent à faire !!! |