L'orchidée et Rhizoctonia
Dans la nature, les orchidées se multiplient principalement par voie végétative.
Il existe quelques cas de reproduction sexuée, dont la réussite dépend d’un
champignon, Rhizoctonia, qui permet aux graines de germer. Nous allons donc
expliquer comment fonctionne la symbiose entre ces deux êtres.
1) La germination des orchidées
2) La
symbiose
3) La remise en
question de la symbiose
4) Les recherches
appliquées sur la symbiose
1) La
germination des orchidées :
Une fois que la fleur d’orchidée a été pollinisée, elle fane et meurt tandis que la tige à l’arrière enfle et forme la capsule qui contient les graines. Il faut plusieurs mois à la capsule pour mûrir (jusqu’à 9 mois), après quoi elle se fend longitudinalement et les graines s’éparpillent, disséminées par le vent. (1)
Un seul pied d’orchidée tropicale peut
produire des centaines de milliers, voire des millions de graines minuscules.
Sous climat tempéré, la production est plus réduite, mais peut encore se compter
en dizaines de milliers pour un seul pied. (1)
Sur ces milliers de graines, qui ne contiennent aucune réserve nutritive, seul un tout petit nombre (moins de 1%) germera et se développera. (1)
Le taux de germination très bas est dû à la dépendance de la graine vis-à-vis des mycorhizes, des champignons microscopiques (Rhizoctonia) qui, à leur tour, dépendent de la graine pour survivre.
En outre, il faut noter que les orchidées dites épiphytes (qui se développent sur les arbres) doivent trouver ce champignon au niveau de l’écorce de l’arbre, alors que les orchidées terrestres doivent le trouver au niveau du sol.
Cette dépendance n’est pas spéciale aux orchidées, elle se retrouve chez de nombreuses plantes et chez les arbres, qui vivent en symbiose avec leurs propres mycorhizes.
Lorsque les graines d’orchidées tombent là où existent les mycorhizes spécifiques, ceux-ci pénètrent dans les cellules de l’embryon qui est alors capable de se développer. Les hyphes du champignon s’enroulent et forment ainsi, avec la graine, des structures appelées pelotons.(2)
Schéma d’une graine d’orchidée entourée du réseau d’hyphes, http://www.orchidees.ithink.ch/biologie.html
Il a été montré que le champignon apporte des éléments essentiels au développement de l’embryon et à l’édification de la plantule puisque la première étape du développement de l’orchidée est achlorophyllienne.
Les orchidées à ce stade ne peuvent ni utiliser les graisses, ni dégrader l’amidon, ni obtenir des phosphates. C’est pourquoi elles doivent trouver une source externe qu’est le champignon.
Ce champignon spécifique est presque toujours Rhizoctonia. Cependant, on trouve aussi, dans de rares cas, un autre champignon intervenant dans cette symbiose : Xylaria. (3)
Dans quelques espèces, le champignon persiste dans les racines pendant toute la vie de la plante. Cette association a été étudiée expérimentalement pour la première fois par Noël Bernard au début du XXe siècle. A partir de nombreux isolements, Noël Bernard a réparti les champignons endophytes, qu’il rapportait au genre Rhizoctonia, en trois espèces :
-Rhizoctonia repens
-Rhizoctonia lanuginosa
-Rhizoctonia mucoroïdes
Espèce du Rhizoctonia |
Orchidées symbiotes |
Observations |
Rhizoctonia repens |
Cattleya, Laelia, Brassavola, Sophronitis, Coelogyne, Dendrobium, Angraecum, Cymbidium |
Mycelium rampant blanc jaunâtre, à filaments moniliformes ramifiés |
Rhizoctonia lanuginosa |
Odontoglossum, Miltonia, Cochlioda |
Mycelium généralement très enveloppant, qui forme un voile épais de couleur blanche puis jaunâtre. Nombreux sclérotes |
Rhizoctonia mucoroïdes |
Phalaenopsis, Vanda |
Voile épais brun à longs filaments moniliformes serrés, formant de nombreux petits sclérotes |
Tableau des différentes espèces de Rhizoctonia spécifiques aux orchidées
(4)
Cette symbiose a été décrite comme une association mutualiste, puisque le champignon fournit des substances essentielles à la croissance de la plante mais, qu’incapable de photosynthétiser, donc de produire des sucres, c’est la plante verte qui l’alimente en sucres.
3) La remise
en question de la symbiose :
En réalité, depuis cette époque (début du XXe siècle), la perception de cette association a énormément évolué.
C’est ainsi que, si l’on observe des
racines d’orchidée, certaines cellules renferment des pelotons de filaments de
champignon bien individualisés. D’autres cellules présentent seulement un amas
informe qui correspond à du champignon tué et digéré par l’orchidée, d’où la
remise en cause de la relation mutualiste.
De même, un embryon d’orchidée ou une jeune plantule n’a qu’une photosynthèse réduite et est incapable de fournir des sucres au champignon. (5)
Enfin, certaines orchidées, même adultes, comme par exemple la Néottie nid-d’oiseau, n’ont jamais de chlorophylle, et donc ne réalise pas la photosynthèse. Non seulement elles sont incapables de produire des sucres, mais doivent être, elles-mêmes, alimentées en sucre.
Ces situations évoquent plutôt une association à sens unique, où la plante prélève sur le champignon ce dont elle a besoin, mais sans rien donner en échange. (5)
En revanche, dans de rares cas, on a pu observer que le champignon attaque l’orchidée. Il peut même arriver que, dans le cas des orchidées épiphytes, Rhizoctonia envahisse aussi l’arbre-hôte. (2)
Il ne s’agit donc plus de rapports de type mutualiste, mais bien de relations parasitaires avec l’orchidée parasite du champignon (ou inversement).
4) Les
recherches appliquées sur la symbiose :
Obtenir des orchidées à partir de semis resta une opération non rentable jusqu’au début du XXe siècle. Il fallut attendre 1906, date à laquelle le docteur Noël Bernard, scientifique français, publia ses résultats.
Après avoir isolé plusieurs souches de
Rhizoctonia, il les cultiva dans des tubes stériles sur du milieu nutritif,
constitué d’une décoction de salep (farine extraite des tubercules de plusieurs
espèces d’orchidées européennes) solidifiée par de la gélose. Il sema ensuite
aseptiquement des graines dans des tubes renfermant le même milieu de culture et
y déposa un petit cube d’agar sur lequel s’était développé le Rhizoctonia. Après
plusieurs semaines, des graines avaient germé et il obtint quelques plantules.
Cette méthode de semis symbiotique a permis
par la suite de réussir les semis de nombreuses espèces d’orchidées exotiques.
(7)
Elle n’est plus pratiquée aujourd’hui par
les professionnels, car la culture de champignons mycorhiziques est
contraignante. De plus, la symbiose étant relativement spécifique, il faudrait
entretenir des cultures actives de plusieurs champignons pour semer avec des
chances de succès toutes les espèces d’orchidées actuellement cultivées.
Quelques années plus tard, N. Bernard en France, H. Burgeff en Allemagne et L. Knudson aux Etats-Unis étudièrent de nouveaux milieux pour la germination. Ils démontrèrent que la présence du champignon n’était pas indispensable. Ils réussirent des semis asymbiotiques, réalisés en l’absence du champignon en utilisant des milieux renfermant soit une forte concentration de salep ou de saccharose (Bernard), soit un mélange de sels minéraux et de saccharose à plus faible dose (Burgeff, Knudson). (7)
Le milieu « C » de Knudson (1922) est toujours utilisé aujourd’hui, malgré quelques modifications de la formule de base. (6)
Le gros inconvénient de cette méthode est qu’il faut attendre plusieurs années pour voir fleurir les orchidées (4 ans pour une Phalaenopsis, 6 ans pour une Paphiodilum, 7-8 ans pour une Cattleya et jusqu’à 10 ans pour une Vanda).
Cette méthode présentait donc un coût assez élevé pour la culture d’orchidées, mais elle avait l’avantage de faciliter la création d’hybrides. (6)
On peut désormais acheter différents kits
de semis et la technique est devenue si simple qu’elle est à la portée de tout
amateur d’orchidées désirant semer ses propres graines.
C’est en 1955 qu’eut lieu une véritable révolution dans la multiplication des orchidées, grâce au professeur Morel, un chercheur français. En effet, il découvrit le moyen de multiplier les plantes à partir de leurs cellules de croissance : les méristèmes. Ces petits bourgeons cellulaires de quelques dizièmes de millimètres de longueur peuvent bourgeonner en milieu gélosé pour reconstituer une plante identique à la mère. Il s’agit d’une multiplication in vitro, qui permet d’obtenir un grand nombre de pieds indemnes de virus à croissance rapide. On put alors commercialiser massivement des orchidées dans le monde. Aujourd’hui, cette méthode est aussi appliquée aux œillets, aux asperges, aux fraisiers, aux rosiers…
Mais cette méthode nécessite un
appareillage important et n’est donc applicable qu’en laboratoire. De plus,
certaines espèces y sont encore réfractaires (comme Phalaenopsis, Paphiopedilum…).
(6)
Actuellement, il n’y a plus de recherches
particulières au sujet de cette symbiose car ses mécanismes sont assez bien
connus.
De plus, cette symbiose présente peu
d’intérêts économiques puisqu’on réussit désormais à remplacer Rhizoctonia de
manière efficiente.
Ainsi, les chercheurs orientent leurs
recherches vers la génétique et la manipulation des gènes afin d’obtenir de
nouveaux hybrides et d’augmenter la fertilité des plantes. Les orchidées peuvent
donc présenter un intérêt économique. En outre, il ne faut pas oublier que la
vanille est une orchidée cultivée.
Références Bibliographiques :
(1)
Ouvrage : Le grand livre des Orchidées : les
connaître, les choisir, les cultiver de W. et B. Rittershausen, édition
Bordas, 2000, p.23.
(6) Ouvrage :
Super Guide, mon jardin, ma maison : comment choisir, entretenir, faire
refleurir vos orchidées, édition Bonnier, n°42, p.6-7.
(3)
Article : Variation in endophytic fungi from roots and leaves of Lepanthes (Orchidaceae)
de Paul Bayman, Ligia L. Lebron, Raymond L. Tremblay et D. Jean Lodge, New
Phytol. (1997), 135, 143-149.
(2)
http://www.anos.org.au/groups/newzealand/biology/fungi.htm