Les lichens


Chacun d’entre nous sait reconnaître les lichens, mais son fonctionnement est souvent ignoré. Nous allons donc expliquer ce qu’est la symbiose lichénique et en quoi son utilisation peut être intéressante.
 

        1) Qu’est-ce qu’un lichen ?
        2) les partenaires
        3) Les usages


1) Qu’est-ce qu’un lichen ?

 « Lichen » vient du latin qui l'a lui-même emprunté au grec leikhên, qui veut dire « lécher », à cause de la façon qu'ont ces végétaux de s'accrocher aux rochers ou aux arbres sur lesquels ils poussent. (8)

a-définition :

Communément, les gens associent le lichen à des mousses ou à d’autres plantes simples. En fait, le lichen n’est ni une mousse, ni une plante, ni même un organisme individuel, mais plutôt une association symbiotique qui réunit des millions de microorganismes photosynthétiques enchevêtrés dans un treillis d’hyphes microscopiques. La nature double des lichens est connue depuis les travaux de Schwendener (1869). (9) Ainsi, on définit :


Xanthoria polycarpa : témoin d'une pollution assez forte, droits réservés  http://www2.ac-lille.fr/lichen/default.htm -Le partenaire fongique hétérotrophe vis-à-vis du carbone (dépourvu de chlorophylle et donc incapable d’utiliser l’énergie solaire) est appelé mycosymbiote et est pratiquement toujours un champignon Ascomycète,  parfois un Basidiomycète ou Deutéromycète. Le processus de lichénisation affecte plus de 20% des champignons actuellement connus.
-Le partenaire chlorophyllien autotrophe est appelé photosymbiote. Il s’agit soit d’une algue verte (phycosymbiote), soit d’une cyanobactérie (cyanosymbiote).(10)

 

 
b-classification :

Le lichen porte le nom scientifique (nom du genre, suivi du nom de l’espèce, puis du nom des auteurs ayant participé à sa création) du mycète qui le compose.(10)
Il appartient donc au règne fongique.

    

 


c-anatomie du lichen : 

Les lichens se présentent sous quatre aspects, celui d’une croûte, celui de grappes ressemblant à de petits cailloux, celui d’une feuille de salade aplatie, au contour irrégulier, et celui de petits filaments accrochés aux branches d’un arbre. De couleurs souvent ternes (vert de gris, gris, brun pâle), les lichens peuvent aussi présenter des couleurs assez vives, principalement jaune, orange ou rouge. (11)
 

Lichens sous trois formes : Foliacée (en bas à gauche) Fruticuleux (en haut à droite) et Crustacée (en forme de disques),droits réservés, (Campbell ed. 1995, p592)

Malgré de nombreuses différences morphologiques et physiologiques, les lichens possèdent plusieurs caractéristiques communes. C’est habituellement le mycète qui donne au lichen sa structure et sa forme. Il est le seul capable de reproduction sexuée.
De même, les tissus formés par les hyphes représentent la plus grande partie de la masse du lichen (90%).
L’algue en constitue généralement la couche interne.(11)

Anatomie d'un lichen,droits réservés, (Campbell ed.1995, p593)

 Les faces supérieure et inférieure forment des couches protectrices composées d’hyphes bien tassées. Les algues se trouvent juste sous la face supérieure, retenues dans un filet d’hyphes. Au milieu, les hyphes sont lâchement entrelacées. Les structures reproductrices du lichen se trouvent normalement sur la face supérieure. On aperçoit sur le schéma un ascocarpe (reproduction sexuée) du mycète et plusieurs sorédies (reproduction asexuée), qui assurent la dispersion des deux associés.(11)


d-localisation : 

Les lichens se rencontrent dans les milieux les plus divers et sur les substrats les plus variés. Leur résistance aux basses températures permet leur abondance dans les régions nordiques et dans les montagnes.
Selon la nature du substrat, on distingue :

            -les lichens épiphytes :
                        *corticoles : on les trouve sur les écorces des troncs et des branches des arbres
                        *foliicoles : on les trouve au niveau des feuilles
                        *lignicoles : on les trouve sur le bois nu
           
            -les lichens saxicoles : ils sont localisés sur les rochers calcaires, siliceux nus, siliceux moussus, siliceux immergés, vieux murs, toits, avec des variations dans les groupements en fonction de la luminosité (certains sont héliophiles ; d’autres sciaphiles)

             -les lichens terricoles et humicoles : ils sont situés dans des pelouses, landes, bois clairs, … Un certain nombre d’entre eux vivent en saprophyte aux dépens de la matière organique présente dans le sol. (10)

 

2) les partenaires :


a-le mycosymbiote : 


Ce champignon est un organisme eucaryote (présence d’un noyau contenant les chromosomes) et hétérotrophe.
Dépourvu de racines, tiges, feuilles, il possède un appareil végétatif constitué de filaments fins enchevêtrés, appelé thalle. Sa dessiccation est limitée par la présence de mannitol, d’arabitol et de glucides, qui assurent une pression osmotique élevée. Ainsi le microsymbiote protège les cellules algales contre la dessiccation et l’excès de lumière.
De plus, les hyphes en relation directe avec l’atmosphère et le substrat captent l’eau et les sels minéraux.(10)


b-le photosymbiote :

L’algue verte ou phycosymbiote est un organisme eucaryote pourvu de chloroplastes contenant la chlorophylle. Elle peut donc utiliser l’énergie solaire pour élaborer certains constituants organiques, à partir de CO2 atmosphérique, de l’eau et des sels minéraux fournis par les champignons. Elle est présente sous forme de petites cellules sphériques isolées ou en colonies.
Dans la plupart des lichens, l’algue est une Chlorococcale appartenant au genre Trebouxia. On rencontre aussi assez fréquemment la Trentepohliale, du genre Trentepohlia.

 La cyanobactérie ou cyanosymbiote est un organisme procaryote. Elle constitue un appareil assimilateur contenant des pigments vert bleuâtre (chlorophylle a et caroténoïdes associés à une protéine, la phycocyanine). Elle est aussi capable d’élaborer des substances azotées (ammoniaque), à partir de l’azote atmosphérique.
Les Nostocales, du genre Nostoc, sont les plus fréquentes et présentent le plus souvent des fils de cellules plus ou moins dissociées.
Environ 10% des lichens contiennent des cyanobactéries (16 genres) qui sont dispersées dans le thalle ou groupées à sa surface où elles forment les céphalodies.(10)
 

c-apports de la symbiose :

La symbiose est bénéfique pour chaque partenaire. En effet, il y a transfert des photosynthétats vers le mycosymbiote et, en échange, transfert de l’eau, de substances dissoutes et de certaines substances organiques vers les photosymbiotes.

De plus, dans le cas de la symbiose avec une algue, le mycète lui procure un environnement physique idéal à sa croissance. Le mycète produit des composés organiques uniques qui possèdent plusieurs fonctions. Les pigments du mycète protègent l’algue de l’intensité de la lumière du soleil. De même, certains composés toxiques, produits par le mycète, empêchent les herbivores de se nourrir du lichen. Le mycète sécrète aussi des acides qui favorisent l’absorption des minéraux. (10) (11)

Par ailleurs, les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations. Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 2%. Ils possèdent la possibilité de se réhydrater. En général les lichens contiennent beaucoup d'eau (100 à 300% par rapport à la matière sèche du lichen).

La résistance hydrique de ces lichens provient surtout du mycobionte car autour de l'hyphe il y a des polysaccharides qui piègent l'eau sous forme colloïdale. De plus, ils stockent des polyols. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Il retrouve ses capacités 5 à 30 minutes après une réhydratation. Ils peuvent également survivre à des variations de température de -70 à +70°C.  (12)


Comme ils peuvent pousser sur des milieux extrêmement arides, on considère les lichens comme des végétaux pionniers à la suite desquels d'autres êtres vivants pourront se développer. En retenant avec leurs thalles un peu de sable par-ci, un peu de terre par-là, et en se décomposant tranquillement quand ils atteignent l'âge de disparaître, ils créent graduellement un milieu moins austère qui permettra l'établissement de plantes plus exigeantes.
(8)

 

 

Ainsi, l’association lichénique apporte des propriétés que l’on ne trouve pas chez l’un ou l’autre des partenaires :

-la reviviscence : capacité de passer rapidement, réversiblement et répétitivement de   l’état sec à l’état hydraté.

-un pouvoir lithogène : il leur permet de s’installer en pionner sur des substrats difficiles.

-la résistance aux températures extrêmes : l’assimilation peut encore être active à  -40°C.

-l’originalité des voies métaboliques avec l’élaboration de substances spécifiques, les métabolites secondaires encore appelés acides lichéniques. (10)
 

Cependant, les relations trophiques au sein d’un lichen n’obéissent pas toutes à ce schéma simple. Dans certains cas, on constate des possibilités de nutrition de deux partenaires, à partir du substrat et même des cas où l’algue vit en hétérotrophe aux dépens du champignon.

Dans d’autres cas, les suçoirs du mycète envahissent l’algue et tuent des cellules ; ce processus se fait toutefois a un rythme qui permet à l’algue de combler ses pertes par la reproduction. Devant ce processus apparemment nuisible à l’algue, certains spécialistes de lichen pensent que la symbiose du lichen représente une relation de parasitisme contrôlé, plutôt que de mutualisme. (10)

 

3) Les usages :

 a-usages médicaux :

Certains lichens sont utilisés en homéopathie pour la fabrication de sirops, pastilles…d’autres, pour l’élaboration d’antibiotiques particulièrement à des doses très faibles (1/20 000 des doses habituelles), contre les bactéries GRAM+. Par exemple, Usnea, riche en acide usnique, donne d’excellents résultats en usage externe.

Le "Lichen d’Islande" sert pour la fabrication d’une pommade émolliente.

En 1989, ont été découvertes des propriétés anti-tumorales et inhibitrices de la réplication du virus du SIDA.    (10) (13)


b-usages alimentaires :

Certains lichens comprennent des macromolécules de lichénine dégradées en glucose au cours de la digestion. Ils peuvent être utilisés pour l’alimentation animale, comme le Cetraria islandica pour l’alimentation des porcs, chevaux, vaches dans les pays nordiques.

D’autres lichens sont utilisés pour l’alimentation humaine. Dans les déserts asiatiques, par exemple, une espèce plus ou moins fruticuleuse, le Rhizoplaca esculenta ou « manne du désert » aurait sauvé les Hébreux de la famine.(8) (10)

 

c-usages industriels :

Deux lichens fruticuleux, récoltés sur les arbres, interviennent principalement dans l’extraction industrielle de produits pour la parfumerie : Evernia prunastri (mousse de chêne) et Pseudevernia furfuracea (mousse des arbres).

 D’autres lichens sont utilisés pour la fabrication artisanale de matières colorantes. (10)
 

 d-bioindication :

Ils permettent dans certaines conditions d’évaluer :

Parmelia subrudecta témoin d'une polution faible,droits réservés, http://www2.ac-lille.fr/lichen/default.htm

Contrairement aux végétaux supérieurs, les lichens ne possèdent pas les structures leur permettant de limiter les conséquences de la pollution atmosphérique. Par la structure de leur thalle, les lichens sont plus sensibles que les végétaux à la pollution atmosphérique, même lorsque cette pollution est faible car cette pollution modifie profondément les divers processus métaboliques. En effet, le lichen agit comme une éponge. Il s’imbibe de l’air ambiant et sa santé reflète la qualité de l’environnement dans lequel il évolue.

 Les lichens sont présents partout et leur différence de sensibilité aux polluants nous permet de les utiliser pour mieux comprendre les changements climatiques. Ils sont donc utilisés comme bioindicateurs. (10)

En revanche, les lichens ont un "temps de réaction" plus ou moins long face à la régression ou à l'augmentation de la pollution atmosphérique. Ainsi la corrélation entre pollution et disparition des lichens n'est pas la même selon que la pollution croît ou décroît : c'est le phénomène d'hystérésis. En cas de pollution forte, un grand nombre d'espèces peuvent disparaître rapidement, alors qu'en cas d'amélioration de la qualité de l'air les lichens autrefois disparus mettront quelquefois plusieurs années pour réapparaître. (14)

 L’intérêt de cette approche réside principalement dans le fait que c’est la nature qui fournit le matériel ; il n’y a pas d’appareillage à installer, pas de maintenance à prévoir, pas de risque de dégradation. (15)


La méthode de dénombrement des espèces élaborée en Grande-Bretagne par Hawksworth et Rose en 1970 est la technique la plus connue, et la plus utilisée jusqu'aux environs des années 81-82. L'évaluation du degré de pureté de l'air se fait en fonction des lichens corticoles présents sur les troncs des stations ouvertes (exclusion des forêts et des grands parcs).
(10)

Cette technique est cependant difficilement utilisable pour notre cartographie de la qualité de l'air. Plusieurs raisons peuvent être données :
- La régression constante de la pollution par le SO
2 (les listes avaient été établies en période de pollution croissante où SO2 dominait nettement les autres polluants).
- Nécessité de connaître un nombre assez important d'espèces lichéniques caractéristiques des diverses zones de pollution (environ 80).
- Les essences plantées en France n'ont pas les mêmes distributions de fréquence qu'en Grande-Bretagne et certains bons supports ont totalement disparu.
- Les conditions écologiques (hygrométrie, vents...) ne sont pas tout à fait identiques au modèle que l'on rencontre en Grande-Bretagne.

 

Une technique nouvelle a été proposée en 1986 par C. Van Haluwyn et M. Lerond, l'évaluation par étude des associations lichéniques.(10)

D'autres techniques lichéniques existent actuellement pour quantifier les pollutions. Elles sont toutefois réservées à des laboratoires spécialisés, qui parfois étudient la réponse d'un constituant cellulaire (ex : l'activité de la phosphatase chez Hypogymnia physodes) à un polluant donné ; le lichen se comporte alors en capteur biologique d'une grande fiabilité.
Par exemple, l’équipe du professeur Barry Rock de l’université du New Hampshire, a mené des recherches visant à développer une méthode permettant de mesurer l’accumulation des polluants dans le lichen, sans avoir à attendre qu’il meurt. (16)


 

Actuellement, la symbiose lichénique est le support de nombreuses recherches concernant la bioindication puisque la méthode de marquage de la pollution par les lichens est aujourd’hui de plus en plus utilisée.
On peut citer plus particulièrement les expériences en cours au niveau de certains sites de Normandie, entre autres, permettant de comprendre l’influence de la pollution sur le métabolisme des lichens afin d'en tirer des méthodes et d'élaborer des marqueurs efficaces pour le futur.
 

 

 

Références Bibliographiques :