Le but de cette partie n’est pas de donner des règles de « compétition » entre les micro-organismes. Celles-ci n’existent pas, et il parait difficile de réaliser un modèle intégrant les paramètres de croissance (T°, aw, Composition chimique….), et des paramètres relatifs à chaque micro-organismes présent (µ, production d’inhibiteur…).
La comparaison de la croissance de 2 micro-organismes entres eux est possible et fait l’objet de nombreuses recherche mais au delà de ce nombre, la question du possible reste posée.
Il est en fait difficile de présenter un panorama détaillé de ces interactions car il s'agit d'une discipline nouvelle.
L’objectif de cette partie est donc bien plus modeste. Il s’agit dans un premier temps de présenter notions d’interactions, ensuite de voir quelques interactions de manière plus précise, et enfin de montrer quelques exemples de recherche en cours ou réalisées sur les interactions entre micro-organismes.
Il va alors s’instaurer un certain équilibre. Ce dernier est instable puisqu’il dépend des conditions intrinsèques (liées aux populations) et extrinsèques. Toute modification artificielle des populations ou des conditions va modifier l’équilibre. L’équilibre évolue également naturellement au cours du temps, les conditions du milieu étant modifiées par les micro-organismes.
Il s’instaure entres les micro-organismes des relations positives :
- Mutualisme : Les deux micro-organismes s’aident mutuellement. Attention, le bénéfice est réciproque et obligatoire, c'est-à-dire que même s'il y a présence dans le milieu des éléments dont les deux micro-organismes ont besoin, il y a tout de même coopération.
- Procoopération : La relation est de nouveau mutuellement bénéfique mais si le milieu dispose des éléments dont les micro-organismes ont besoin, alors ils deviennent indépendants.
- Commensalisme : Relation dans laquelle le commensal tire un avantage alors que l’autre n’est ni affecté ni aidé.
Et d’autres négatives :
- Prédation
- Parasitisme : 1 micro-organisme utilise au dépend de son hôte les métabolites que ce dernier produit.
- Amensalisme : 1 micro-organisme est inhibé dans sa croissance par un autre micro-organisme.
- Compétition : 2 micro-organismes utilisent la même ressource, il s’instaure alors une « lutte » pour celle-ci.
On voit que les interactions qui s’établissent entres les micro-organismes peuvent être de nature très diverses. Toute activité d’un micro-organisme modifie son environnement et donc influe sur sa capacité à survivre dans ce nouvel environnement. Nous allons étudier quelques mécanismes d’interactions.
On a vu qu’il existait un pH optimum de développement pour chaque micro-organisme. Or les micro-organismes ont tendance à acidifier le milieu pendant leur développement. Il est donc logique que pendant la maturation d'un produit, un grand nombre de micro-organismes passe dans une phase où le pH sera optimum pour leur croissance.
On va avoir des comportements différents selon que le substrat, la matrice à un pouvoir tampon élevé ou non.
Ce phénomène d’acidification doit être considéré globalement puisqu’il y a interaction avec d’autres facteurs comme la température, l’activité de l’eau ou la concentration saline.
On a également des effets spécifiques qui correspondent à la nature de l’acide et à sa forme. En effet, la résistance à l’acide acétique, lactique et chlorhydrique est variable. Ainsi, une expérience sur des Salmonelles de Chung et Goepfert (1970) a montré que celles-ci résistaient mieux à l’acide chlorhydrique qu’à l’acide acétique. L’acide lactique occupant une place intermédiaire.
L’effet inhibiteur des acides est attribué à une forme non dissociée. Cette forme non dissociée pénètre dans la cellule, diminue la force proton motrice par accumulation de protons dans la cellule. On a alors des perturbations, notamment au niveau des échanges de nutriments et d’acides aminés. De même que précédemment, on aura des résistances variables à ces effets spécifiques selon les micro-organismes .
Antagonisme/Synergie de substrat :
L’antagonisme de substrat résulte du fait de l’utilisation par plusieurs micro-organismes d’un même élément. Cela se traduit par des phénomènes de compétition entres les micro-organismes. Là encore, c’est la combinaison de tous les facteurs intrinsèques et extrinsèques qui va déterminer les micro-organismes qui vont se développer.
La synergie de substrat s’illustre à la fois positivement et négativement.
Positivement d’abord, une bactérie va transformer un substrat en un autre substrat qui sera disponible pour une autre bactérie. Par exemple, le substrat 1 n’était pas utilisable, à l’inverse du substrat 2 (produit par une bactérie), par une bactérie dit commensale. On trouvera les autres possibilités que sont la procoopération et le mutualisme.
Négativement, car la bactérie qui synthétise ce composé peut elle-même l’utiliser. Elle doit produire pour deux plutôt que seulement pour elle-même.
Réaction exothermique :
Certaines fermentations vont avoir pour effet une augmentation de la température du milieu. Par exemple, dans les cuves de fermentation de vins, on est obligé de réfrigérer pour éviter que la température ne soit trop élevée et ne tue la flore la plus utile. Quand cela se produit, il est très difficile de faire redémarrer la fermentation.
On est toujours confronté au même impératif de précaution car les paramètres de milieu s’évaluent dans leurs ensembles. Les micro-organismes ne contribuent pas tous significativement à ces réactions exothermiques et un même micro-organisme peut à la fois entraîner une élévation de la température quand il utilise un certain substrat mais ne rien produire lorsqu’il utilise un autre substrat.
Actions de substances inhibitrices spécifiques ou
non :
- Peroxyde d’hydrogène : Chez la bactéries lactique, on a mis en évidence plusieurs voies de biosynthèse de peroxyde d’hydrogène, molécule dont on à déjà étudié les actions inhibitrices ou mortelles sur les bactéries ne disposant pas de SOD ou catalase ou d’autres molécules à action antioxydante. Les bactéries lactiques possédant des systèmes d’élimination du peroxyde d’hydrogène (catalase, pseudocatalase, NADH2), l’accumulation dans le milieu résulte d’un déséquilibre entres les voies de biosynthèse et de dégradation.
- Diacétyle : C’est un composé produit par nombres de bactéries lactiques et à un effet inhibiteur sur de nombreux micro-organismes, bactéries et moisissures. L’action est supérieure en milieu acide, plus élevée sur les Gram négatives. Cependant, les concentrations nécessaires à l’obtention d’une inhibition sont trop élevées pour être rencontrées dans la plupart des aliments.
- Reutérine : C’est un composé inhibiteur produit par une bactérie lactique et qui possède un large spectre d’action. Son action sur la conservation de la viande a été démontrée en 1989 par Daeschel.
- Bactériocine : C’est un terme général qui regroupe des substances assez spécifiques qui inhibe des micro-organismes. Les colicines produits par E coli en sont un exemple. Les antibiotiques (petits peptides soufrés), des peptides de faible et haut poids moléculaire, des complexes lipo- ou glyco-protéiques…sont d’autres exemples. On regroupe donc sous le même terme des composés assez différents. Les applications en IAA sont en cours d’évaluation et d’expérimentation.
Il existe de nombreux composés qui possèdent des propriétés plus ou moins inhibitrices sur un ou plusieurs types de micro-organismes. Beaucoup d’exemples sont appliqués aux bactéries lactiques car elles ont fait l’objet de nombreuses recherches.
Actuellement, de nombreuses recherches portent sur ces interactions, hélas, nous n’avons pas eu le droit de se servir des recherches en cours pour ce site. On peut citer entre autres l’ INRA de Theix, qui mène des recherches sur l’équilibre des populations microbiennes dans les fromages non pasteurisés.
Depuis l'incrimination de certains fromages au lait cru, ces derniers riment systématiquement avec risque sanitaire et listeria. Comme le révèle l'hebdomadaire Marianne du 29 mars 1999, dans de nombreux cas de listériose, les fromages incriminés sont des fromages pasteurisé!
Certes, le lait cru est un aliment vivant, propice à la multiplication des microbes et qui contient naturellement une proportion variable de micro-organismes et d'enzymes. Cette flore et ces enzymes, que détruit la pasteurisation, confèrent aux fromages fermiers tout leur goût et leur spécificité. Mais à coté de ces bonnes bactéries, il en existe aussi de mauvaises qui, si elles viennent à se multiplier, peuvent être à l'origine d'intoxications alimentaires plus ou moins graves: cela va du simple ennui gastrique à l'intoxication sérieuse, voire à la mort.
En réalité, les risques infectieux sont assez limités, les salmonelles, par exemple disparaissent progressivement dans les fromages au cours de l'affinage et ne constitue dès lors pas un danger dans les fromages affinés au lait cru. Ces mêmes fromages possèdent d'ailleurs un système antibactérien naturel efficace contre les L.monocytogenes. Il est à signaler, d'ailleurs que ce système antibactérien est détruit lors de la pasteurisation.
Ainsi de nombreuses études sont actuellement en cours sur le fromage dont nous pouvons uniquement vous présenter les thèmes.
- Utilisation de flores antagonistes – Anne Sépulcre 2002
Rôle de protection des flores antagonistes aux pathogènes et/ou à la flore d'altération.
Les recherches actuelles
- Structure des communauté microbienne du fromage d'A.O.C. Salers par approche moléculaire
Lien avec les caractéristiques sensorielles des fromages.
Thèse de Frédérique Duthoit, Unité de recherches fromagères, INRA Aurillac.
Le but est de relier les dynamiques microbiennes de présence et d'activité au cours de la fabrication et de l'affinage du fromage Salers aux caractéristiques sensorielles du fromage affiné.
- Behaviour of L. Monocytogenes in raw milk cheeses (comportemant de L. Monocytogenes dans les fromages au lait cru)
Millet L. Saubusse M. Montel MC., Laboratoire de recherches fromagères, INRA Aurillac.
L'objectif est de mieux comprendre l'inhibition de L. Monocytogenes dans les fromages au lait cru. Deux expériences sont menées conjointement :
- Comparaison du développement de L. Monocytogenes dans les St Nectaires préparés à partir de 6 fermes différentes. Pour 3 d'entres elles, aucun développement n'a été constaté après 8 jours d'affinage. Les recherches se poursuivent actuellement, toute conclusion n'est pas encore à l'ordre du jour.
- Vérification que l'inhibition de L. Monocytogenes qui apparaît dans les fromages au lait cru et au lait micro-filtré. Même croissance dans les deux types de fromage le premier jour mais ensuite le développement de L. Monocytogenes dans les fromages au lait cru non filtré est inférieur. Ce phénomène n'est pas encore expliqué.
Merci à MC. Montel de nous avoir permis de publier ce qui précède.