Le Canada, Les Etats-Unis, et les pays de l’Europe du Nord ont émis un projet de règlement visant à supprimer la fabrication et l’importation de fromages fabriqués au lait cru. Mais ce projet n’a encore jamais abouti. Ce règlement obligeait les producteurs de fromages soit à utiliser du lait pasteurisé ou bien que les fromages eux-mêmes subissent un traitement thermique ; la majeure partie des bactéries pathogènes seraient ainsi détruites.
L’industrie laitière est particulièrement préoccupée par la qualité microbiologique de ses produits. Les organismes pathogènes qui peuvent être associés aux produits laitiers comme les salmonelles, les clostridies responsables du botulisme, Escherichia coli, les Campylobacter, les Yersinia, les staphylocoques et plus récemment Listeria monjocytogenes, l’agent responsable de la listériose, représentent un risque potentiel pour l’industrie.
Il ne faudrait pas croire que le lait cru contient une flore microbienne capable d'éliminer ou de réduire de façon substantielle le nombre des microbes pathogènes. On ne peut donc se permettre de négliger aucune des mesures visant à optimiser la qualité du lait en amont de la fabrication fromagère.
La qualité du lait n’est pas le seul facteur déterminant la qualité des produits finis. L'affinage, par exemple, est un procédé difficile à maîtriser puisque le fromage est un écosystème particulièrement complexe.
Comme le vin, le fromage est un aliment "vivant" et il acquiert ses caractéristiques organoleptiques grâce à l'action combinée de nombreux micro-organismes et enzymes présents dans le lait cru. Mais les mécanismes biologiques et biochimiques impliqués sont subtils et encore mal définis.
Des équipes de recherche concentrent actuellement leurs efforts afin d'identifier la bactérie, la moisissure, la levure, ou plutôt le cocktail de micro-organismes qui confèrent au camembert son goût typique. Il faut certainement poursuivre la recherche dans cette voie si l'on veut un jour pouvoir faire toute la lumière sur le rôle que joue la flore sauvage du lait au cours de la maturation de diverses variétés de fromages.
Cela pourrait permettre, dans un avenir plus ou moins proche, de réensemenser le lait de fromagerie - qu'il soit cru, thermisé, microfiltré, centrifugé, ionisé, pressurisé et/ou pasteurisé - avec des souches bactériennes et fongiques sélectionnées et de reconstituer ainsi l'équilibre microbien nécessaire à l'élaboration de spécialités fromagères plus savoureuses les unes que les autres.
Les contrôles vétérinaires et sanitaires des fromageries sont de plus en plus draconiens. Aussi les industries maîtrisent de mieux en mieux la qualité bactériologique de leur production. Ceci par des actions auprès des producteurs de lait (sélection des producteurs, formation, assistance, incitation financière) et également par des mesures très strictes au niveau de la fabrication, des processus mis en œuvre, dans l’hygiène rigoureuse des locaux, du matériel, du personnel, et enfin par un contrôle analytique permanent à chaque stage de l’élaboration du produit.
Selon l’AFSSA, les fromages au lait cru ne sont pas potentiellement plus dangereux que ceux au lait pasteurisé. En effet, une étude réalisée par l’AFSSA montrent que les intoxications alimentaires à la listéria dues aux produits laitiers concernent dans des proportions identiques des produits à base de lait cru que les produits à base de lait pasteurisé.
En réalité, les risques infectieux sont assez limités. Par exemple, la salmonella disparaît progressivement dans les fromages au cours de l’affinage et ne constitue pas ainsi un danger dans les fromages affinés fabriqués au lait cru. Aussi, on peut parler dans le fromage au lait cru de compétition bactériologique. En effet, les flores présentes dans le lait cru sont en concurrence entre elles pour se maintenir dans le milieu. Une bactérie pathogène pourra plus facilement se développer dans un milieu exempt de bactéries que dans un milieu où s’est déjà développé une flore bactériologique non pathogène. Les bactéries coliformes par exemple se neutralisent entre elles selon des lois naturelles.
Les fromages au lait cru sont avant tout source de plaisir gustatif. Au travers des flores naturelles des prairies, de la microflore naturelle du lait, des conditions pédo-climatiques locales il a été démontré qu’il existe des crus locaux de Comté par exemple directement liés à des crus de lait eux mêmes également liés à leur terroir d’origine
Il serait dommage que dans le but de rechercher un risque zéro qui, de toute façon n’existe pas on mette en péril la fabrication de ces fromages au lait cru qui représentent 10% de la production française de fromages, soit 170 000 tonnes et qui en plus de cet enjeu économique représente un enjeu culturel .
Fromages à pâte molle pasteurisés |
Fromages à pâte molle au
lait cru |
|
Micro-organismes aérobies | 103 |
103 |
Coliformes à 30°C par g | 102 |
102 |
Coliformes fécaux par g | 102 d’E. Coli |
Non déterminé |
Staphylococcus aureus par g | 102 |
102 |
Anaérobies sulfano-réducteurs 46°C par g | 102 |
102 |
Salmonella dans 25 g | Absence |
Absence |
Ce tableau donne les valeurs seuils tolérées. Les normes sanitaires dans les fromages au lait cru et dans les fromages au lait pasteurisé sont aussi strictes.